Romeufontaine 2014(12km)
J’attends, dans le sas du départ. Autour de moi, les gens sont dans l’ambiance, mon club saute et chante… très bon moment. Les gens à ma gauche parlent catalan, devant moi français, un peu plus loin anglais. C’est fou !
Je « m’éloigne » un peu de moi-même pour décompresser un peu. Oui, ça peut paraitre bête, mais depuis la veille au soir, je stress comme une malade. Il neige, il fait froid. Et si mes crampons ne tenaient pas ? Et si je n’avais pas pris assez de chaud ? Et si demain il neige, je fais quoi, moi, sans veste imperméable ? Je ne peux tout de même pas prendre ma veste de rando, elle est trop chaude et je vais mourir. Je me réveille dans la nuit à de nombreuses reprises pour refaire dans ma tête ma tenue vestimentaire. Ridicule…
Je « m’éloigne » un peu de moi-même pour décompresser un peu. Oui, ça peut paraitre bête, mais depuis la veille au soir, je stress comme une malade. Il neige, il fait froid. Et si mes crampons ne tenaient pas ? Et si je n’avais pas pris assez de chaud ? Et si demain il neige, je fais quoi, moi, sans veste imperméable ? Je ne peux tout de même pas prendre ma veste de rando, elle est trop chaude et je vais mourir. Je me réveille dans la nuit à de nombreuses reprises pour refaire dans ma tête ma tenue vestimentaire. Ridicule…
5h30, quand les personnes du 40km se sont levés, les bruits ont commencé à raisonner dans les couloirs. Je me lève à 6h, me prépare et ouvre la fenêtre. Il ne neige pas ! La météo annonce l’inverse, mais… tant pis. Ce n’est que 12km, si je suis mouillée ça ne fait rien.
Tout est prêt... |
Petit déjeuner vite avalé. Je me force à ingérer deux tartines mais l’estomac est vraiment noué. Qu’est-ce que je fais là, au fait ?
"— Bonjour Auriane ! Tu as déjà fait une course comme celle-là ?
— Euh… Non. En fait, j’ai jamais couru plus de 11km.
— Alors, pourquoi tu la fait, cette course ? Défit personnel ?
— … curiosité, je suppose ?
— Ah, c’est très bien ça !"
Moui... et donc, qu'est-ce que je fais là ?
"— Bonjour Auriane ! Tu as déjà fait une course comme celle-là ?
— Euh… Non. En fait, j’ai jamais couru plus de 11km.
— Alors, pourquoi tu la fait, cette course ? Défit personnel ?
— … curiosité, je suppose ?
— Ah, c’est très bien ça !"
Moui... et donc, qu'est-ce que je fais là ?
Photo prise après la course comme toutes celles qui suivront (sauf celles où je suis évidemment en train de courir moi-même !) |
7h30, dans la voiture. Il fait nuit, les paysages sont merveilleux, illuminés par la neige. La vallée, en bas, est sous une mer de nuage.
Quand on arrive à Font-Romeu, crampons à la main, on se dirige vers la salle où on a retiré nos dossards la veille. J’ai accroché le mien, n°270, à mon coupe-vent bleu-bizarre. Sur une polaire sans manche qui est sur un tee-shirt avec de la polaire à l’intérieur lui-même sous un tee-shirt. Je ne devrai pas avoir froid ! D’ailleurs, je n’ai pas froid. Donc en courant, ça va être l’horreur. Mais je n’y pense pas.
Je mets mes crampons et fait un petit échauffement en remontant la rue principale. Ils nous font débuter par une montée ? Les sal*pi*ts !
Et puis, c’est 8h50 et on entre dans le sas.
J’attends 9h avec impatience. Quand je courrai, les appréhensions seront envolées. Car, comme le disent les « spectateurs » quand le signal du départ est donné, « Allez vous y êtes, vous ne pouvez plus reculer ! ». C’est faux bien sûr, on peut toujours reculer. Mais généralement, l’Homme veut terminer ce pour quoi il s’est entraîné.
Le début est rude. On est vraiment beaucoup puisque les 12kmard et les 24kmard (nouveaux mots n’est-ce pas ?) partent ensemble. Et ça bouchonne vite. Après une montée que je réussie étonnement bien (les gens sont essoufflés à cause de l’altitude (pour ceux qui n’ont pas l’habitude), et j’ai de la chance de ne pas en ressentir les méfaits. Pourtant, j’ai une p*tain de crève !), une autre pente plus raide oblige même les traileurs à s’arrêter ! Et ensuite, à marcher… bon, pour le moment, je ne râle pas. Courir en monté dès le début ça serait griller nos cartouches inutilement. D’autant plus que le terrain est instable. Rassurez-moi, ça va être damé à un moment, n’est-ce pas ?
La course se transforme en marche active avec des baskets trempées (déjà), une pente raide, des gens qui te soufflent comme des bœufs dans le dos, et l’envie de doubler celui de devant. Impossible si on ne veut pas s’enfoncer dans la poudreuse.
Arrivé un peu plus haut dans la foret, le paysage se dévoile à nous. Un soleil guère voilé émerge des montagnes en face. C’est magnifique… je voudrai m’arrêter pour observer de tout mon saoul, mais les gens derrière ne pourraient pas me doubler car je suis sur un tout petit sentier. Regarder en marchant ? Très rapidement au risque de se fouler une cheville. Mmh… je me demande quelle idée j’ai eu de vouloir faire ça.
La course se transforme en marche active avec des baskets trempées (déjà), une pente raide, des gens qui te soufflent comme des bœufs dans le dos, et l’envie de doubler celui de devant. Impossible si on ne veut pas s’enfoncer dans la poudreuse.
Arrivé un peu plus haut dans la foret, le paysage se dévoile à nous. Un soleil guère voilé émerge des montagnes en face. C’est magnifique… je voudrai m’arrêter pour observer de tout mon saoul, mais les gens derrière ne pourraient pas me doubler car je suis sur un tout petit sentier. Regarder en marchant ? Très rapidement au risque de se fouler une cheville. Mmh… je me demande quelle idée j’ai eu de vouloir faire ça.
Bien vite, la dame devant moi devient un « obstacle » car je suis obligée de marcher à un rythme inférieur au mien. Il me faudra bien 1km pour pouvoir la doubler ! Et le même scénario se déroule à plusieurs reprises.
Je suis alors frustrée et en colère. J’avais envie de courir, on marche tous. Le terrain est trop difficile : nos pieds suivent les traces des premiers qui se sont enfoncés dans 15cm !
On arrive sur un plateau dégagé. J’en peux plus ! Et un coup d’œil à ma montre m’indique que nous n’avons fait que 5km. Oh My God…
Je rentre dans une routine monotone quand j’entends un « allez Auriane, c’est bien ! ». Un membre du club ! Super, un peu de pêche me vient à nouveau dans les jambes et je râle de ne pouvoir courir. Il me dit de le suivre et on raccroche à un petit groupe de mon club. Ah… je comprends pourquoi on ne coure pas. Je suis cuite ! Je reprends la marche active, courant un peu quand le terrain est plus tassé. J’arrive à l’embranchement où ceux du 24km nous quittent. Beaucoup d’abandon, qui restent sur le 12.
Ravitaillement ! 8km et quelques… un morceau de banane, un carreau de chocolat, une pâte de fruit, un verre d’eau… je repars… et reviens quand je me rends compte que j’ai mon verre dans la main…
Alors là, impec. J’ai un espèce de sursaut, et je cours, sans prendre garde à ce terrain de m*rde. Mes chevilles se tordent un peu, mais je survole le terrain alors ça passe. J’effectue la descente en me faisant quelques frayeurs, saute par-dessus un cour d’eau en espérant que ses berges ne sont pas de la neige fondue, et je m’arrête ensuite sur une petite corniche pour laisser passer deux personnes qui me talonnent. Arrivée en bas, je passe un pont et une pente raide nous attend. Heureusement, une organisatrice tend la main aux coureurs pour les aider ! Très sympa, cette madame !!
Là, mes jambes commencent à flageoler (flageoler...). Un coup d’œil à la montre… 10km et quelques… ouf…
Je cours pour échapper à une fille qui me talonne, mais elle se met à courir en même temps et s’arrête quand je marche. Grrr… Je la laisse passer… et la redouble car elle est plus « lente ». Tss tss… compliqué.
Je sais d’expérience que lorsque les jambes n’en peuvent plus, il faut forcer pour que le sang circule plus vite et que les muscles soient plus vite oxygénés. Ça fonctionne… à court terme. Après avoir sauté dans un ruisseau (j’ai de petite jambes, je ne pouvais pas vraiment faire autrement. Je n’ai plus d’orteils, mais des glaçons !) je m’arrête pour laisser passer trois personnes, dont un type qui me suit depuis le début et qui perd ses crampons tous les trois pas (le pauvre…). On court au soleil, c’est agréable, et j’ai mis mes lunettes depuis longtemps, éblouie par la neige même quand il y a des nuages. A force de la fixer, ça en devient presque hypnotisant !
Un groupe d’organisateur attend en haut de la « dernière » pente. « J’en peux plus ! » que je leur dit avec un grand sourire (sinon j’ai peur qu’ils m’arrêtent pour savoir si je vais bien ou pas). Du coup ils m’encouragent encore plus, c’est über cool !
Bon, ça sent la fin. Donc, comme j’avais décidé à cette course de m’éclater, j’y vais. Y a plus grand monde devant et derrière, les écarts se creusent. Je pense que je suis dans les dernières, j’en ai rien à faire, c’était trop dur. (Vraiment « trop » !). Après une descente, où des organisateurs m’annoncent plus de kilomètre qu’il ne devrait en rester (ben oui, à ma montre j’ai déjà 12km quoi…), je descends dans une petite combe pour remonter en face. Dur. Et là… sur le bas côté, une dame… et je m’arrête net.
— Madame K. ?!
— Euh… oui, j’ai changé de nom il y a un petit moment, mais… vous êtes du MCN ?
— Oui. Mais… je vous ai eue comme prof de français en 6ème !
Non mais incroyable. Je suis à Font-Romeu, à moitié morte d’épuisement, et qui je rencontre ? Une ancienne prof !
Toute heureuse, elle me fait la bise, me prend en photo pendant que moi je me dis « je devrai repartir parce que mes jambes se croient au repos là ! ». Elle me demande mon parcours scolaire, m’apprend qu’elle est la femme d’untel du club, et… « mais vas-y, on se retrouve à l’arrivée ! ». Incroyable comme ça m’a donné un coup de pêche ! Je repars donc, et la course se termine par une piste coupée par les télécabines. Les gens doivent bien se foutre des coureurs… et ils ont raison, honnêtement.
L’arrivée est en vue. Là, je vais devoir passer toute seule dans ce tunnel humain ? C’t' une blague… je le fais donc, j’entends mon prénom (quelqu’un du club), et j’ai honte, en fait, d’arriver alors que les haut parleurs évoquent l’arrivée prochaine des 40kmard ou des 24. Mais en fait, quand j’arrive, on me félicite « moins de 2h30, bravo » ! Mmh… ok. Les gens du club aussi sont très heureux de me voir – déjà – et m’apprennent que beaucoup ne sont pas encore arrivés. Mon moral remonte un peu, et on me rappel, comme ça, en passant, que c’est ma première grosse course. Je suis très contente d'avoir terminé sans avoir envisagé une seule seconde d'abandonner.
Ravitaillement, vestiaire, déconne, douche, et repas au gîte.
Aux nombreux « alors, ça va ? » des gens du club, je réponds sans fard que c’était très dur et que je suis crevée. Les gens me trouvent « fraîche comme un gardon », mais sils se trompent.
« Raconte moi tes impressions !
— Ben… je me suis demandé ce que je faisais là tout au long de la course.
— Oh, t’inquiète pas, c’est pareil pour tout le monde !
— C’était trop dur…
— Mais tu restes dans le club ?
— Je reste.
— Et tu referas des courses ?
—… oui !
— Alors c’est que la course s’est bien passée ! »
Sincèrement, je trouve l’esprit humain remarquable. Dans la voiture, à regarder les paysages défiler par la fenêtre, je tente de me rappeler les mauvais moments de la course, mais seule l’euphorie de l’arrivée, de l’effort, et des sensations me viennent. Le négatif ? Balayé par la satisfaction de la réussite.
Vous savez quoi ? La vie, elle est putain de belle !
Tes photos de montagne sont super ! (surtout la première)
RépondreSupprimerEt bravo pour ce nouveau record.