vendredi 5 juillet 2019

GR 738 ou la traversée de Belledonne du Sud au Nord - 1ère Partie







Très vite, à partir du troisième jour, je n’ai cessé de dire que c’était ma dernière randonnée en autonomie totale parce que c’était chiant, fatiguant et long.

Mais aujourd’hui, alors que j’ai terminé et que je suis seule devant mon carnet de notes, je me rends compte que non. C’est une belle drogue. Aller d’un point à un autre, chaque jour, c’est simple. Vivre avec un sac à dos, des paysages et des livres, c’est bon. Avancer indéniablement sur un chemin plus ou moins tracé sans se poser la moindre question, c’est un besoin.

C’était dur, physique, décourageant parfois. J’ai pleuré deux-trois fois d’épuisement, découvert la sensation de vertige pour la première fois. Mais c’était magnifique, sauvage, loin du « Monde d’en Bas » et une véritable coupure avec la « vraie vie ». A moins qu’elle soit là, la vrai vie. Dans les montagnes… Loin des villes…

(Cliquez sur les photos pour les voir en grand !)

Chaîne de Belledonne (Wikipédia)

— Jour 1 : 17 Juin 2019 —  

Il est 9h43 quand je prends la voiture (après un demi-tour pour oubli de chaussures de rando…), direction Grenoble où je dois récupérer mon père à la gare. Depuis l’autoroute, je vois en face de moi la longue chaîne de Belledonne, aux sommets encore tout blanc. En prenant conscience que je vais devoir la traverser, j’ai un regain d’énergie et je suis toute contente de ce défi.

Il est 11h30 quand j’ai enfin récupérer mon père (Grenoble, ville de merde…). On termine le trajet en voiture direction Chamrousse, on pique-nique, on termine les sacs, et… c’est parti !



On marche 300m pour prendre un dernier vrai café, et là mon moral s’effondre. Aurais-je vraiment la force de porter ce sac pendant toute la randonnée ? Avec autant de dénivelé à venir ? Il est tellement lourd que j’ai l’impression de plier sous son poids et de m’enfoncer dans le sol jusqu’aux chevilles à chaque pas. Le café est donc un peu plus amer que d’habitude… Mais quand on hisse nos sacs sur le dos pour de bon, j’ai quand même hâte de prendre la route ! C’est ce qui compte, je crois : l’envie !


« Mon chargement pesait douloureusement sur mes épaules, alors j’ai serré de plus en plus fort ma ceinture pour répartir le poids, à tel point que ma peau formait des bourrelets de chaque côté. Le sac se dressait derrière moi telle une houppelande, dépassant de plusieurs centimètres au-dessus de ma tête, et m’appuyait sur la colonne vertébrale comme un étau. Je me sentais horriblement mal, mais peut-être que c’était ça, être un randonneur. »Cheryl Strayed - Wild



Le premier col est très dur, hyper raide. J’ai mal aux reins à cause du sac, et l’impression de tituber à chaque pas. Mon père me rappelle qu’il faut que mon corps s’habitue à tout ça, et je sais qu’il à raison. Mais sur le moment, ce n’est que douleur !


Derrière le Col de l'Aiguille (1 819 m) c’est magnifique ! Sur la gauche, Grenoble ; en face et à droite, les montagnes, mélange de forêts, roches et neige ; derrière moi, Chamrousse.



On emprunte un petit sentier tout beau, plat, ombragé, et je me sens mieux. A part les cotes, ça ira ! (Hem hem…)


Pause autour d’un étang plein de tritons. L’eau est claire et tout se reflète à l’intérieur, et quitter le sac fait du bien ! Alors, on profite.



Plus loin, un nouveau lac nous attend, le Lac des Pourettes (1 819 m) à côté duquel, malgré un panneau d’explication, on se plante de chemin. Après un quart d’heure de « j’aurai aimé voir un balisage, quand même » de mon père, on se rend compte qu’on ne va pas du tout au bon endroit ! Demi-tour ! Le vrai chemin est bien plus praticable, ouf.






Ce dernier s’élève assez rapidement jusqu’au col. Devant nos yeux, les Lacs Robert situés à 2008 m d'altitude, point d’arrêt de notre première étape. On m’avait vanté les cabanes où il est possible de dormir tout le long de la traversé… Eh bien, c’est plutôt bof. Je préférerais tout au long de la randonnée ma tente spacieuse !





On galère un peu à trouver un endroit plat et près de l’eau. On s’éloigne un peu sur le chemin du lendemain jusqu’à trouver un petit bout de coin un peu pentu mais qui fera l’affaire (l’orage gronde, au loin, alors on ne va pas faire la fine bouche.




Une fois la tente montée, je prends le chemin d’un lac pour aller me laver. Surprise ! Ce lac c’est une chambre en plein air pour crapauds en pleine phase de reproduction. Berk… J’appelle mon père pour lui montrer l’état de l’eau et lui-même trouve ça plutôt dégueulasse. Grâce à son tuyaux magique, il arrive à fabriquer une source qui coule directement depuis la terre.

Une fois « lavée », je retourne à ma tente. L’orage gronde de plus en plus et éclate peu de temps après. On se réfugie dans nos tentes respectives. Je suis terrorisée par le bruit que fait le tonnerre. Comme nous sommes en montagne, le son se répercute beaucoup plus et je n’ai jamais aimé ça…
  



Je quitte mon abri à 20h pour aller manger dans la tente pourvue d’un abside de mon père. Début de al bouffe lyophilisée : pâtes aux trois fromages achetées au Vieux Campeur. Miam !




On en profite pour régler les crampons à ma taille pour gagner du temps le lendemain. Quand je sors pour me brosser les dents… agréable surprise : il pleut, mais le ciel est magnifique ! Un arc-en-ciel sort, et on reste planter là pour prendre des tonnes de photos ! La lumière est incroyable...



 — Jour 2 : 18 Juin 2019 —


Sans surprise, je vois défiler à peu près toutes les heures de la nuit. Froid, petite frayeur (étrange bruit que je prends forcément pour une bête alors que c’est… mon père qui ronfle !)
Je suis heureuse d’entendre remuer à 6h15. « On se lève ? » Allez ! De toute façon il fait trop froid pour bien une grasse mat, et comme on a planté les tentes en vitesse, j’ai passé la nuit à glisser vers le bas. 



Le soleil met beaucoup de temps à arriver au campement, si bien qu’on doit plier les tentes encore humides. Mais il fait beau et le soleil chatouille déjà pas mal de sommet autour de nous. Pendant le petit déjeuner, un chamois s’amuse à grimper avec brio un névé d’une raideur impressionnante.





Départ :8h45. Il faut toujours un petit temps d’adaptation pour tout plier rapidement. Et, aujourd’hui, on a prit notre temps !
Remettre le sac est douloureux, et malgré notre petite étape de la veille, j’ai le dos tout courbaturé ! Alors, on y va doucement.


Ça descend joliment en surplombant les villages de la vallée, et le chemin poursuit sa route en balcon. Tout va bien jusqu’à ce que le chemin devienne humide et instable. Ma cheville gauche se tord douloureusement suite à un faux pas, et vu les 18kg que j’ai sur le dos, ça fait mal. Quand je repars, ça tire un peu et j’ai du mal à lui faire confiance. Difficile donc d’arpenter un chemin délicat.




Petite pause près du lac Ledma (1 942 m) de toute beauté aux couleurs hallucinantes. Comme mon appareil photo peut aller dans l’eau, je me régale à plonger les mains dedans ! L’endroit est parfait, on se serait bien vu bivouaquer ici.


Dedans-dehors
Mais on a un col à grimper encore bien raide, qui nous offre pour récompense visuelle de dingue : le beau lac  Longet encore partiellement enneigé. Ambiance magique !



Cheville OK
Bientôt, on voit le Refuge de la Pra (2009 m) où on grimpe pour boire une Ice-Tea, un Coca, et voir si ma cheville va bien. A part une rougeur, tout semble OK ! Ouf !

Après cette petite pause bien méritée, on s’élève encore un peu jusqu'au Col de la Pra (2186 m) avant d’entamer une descente entrecoupée de neige. Alors que je pose mes pas dans ceux de mon père, la neige cède et je m’enfonce jusqu’à mi-cuisse ! Je me tords le poignet et mon bâton de rando. Chouette journée ! Heureusement, rien de cassé, et quand on arrive au Lac du Crozet (1974 m) pour le repas, mon père arrive à me redresser mon bâton. 
Pour les non-marcheurs, je tiens à préciser que des bâtons de rando enlèvent environs 15% du poids du sac ! Je suis incapable de marcher sans. Et, dans les descentes, ils soulagent vraiment mes genoux. Sans eux, je ne pense vraiment pas pouvoir faire des randonnées aussi longues.




Après un pique-nique pâtes bolo, on repart. Le sentier est HYPER raide, et sur la digestion et en plein soleil c’est juste atroce ! L’avantage, c’est qu’on fait rapidement le dénivelé positif prévu. Mais, c’est quand même compliqué. Les paysages sont jolis, une petite combe qui s’élève vers le col, avec de la neige un peu partout, et l’eau qui s’en écoule.



 Mon père décide rapidement de mettre les crampons : on ira plus vite ! Je pense que les chamois couchés dans la neige un peu plus haut en rigolent (comme le traileur qui nous dépassera non loin du col), mais la prudence est primordiale. D’ailleurs, sans ce traileur, on aurait gardé les crampons une fois en haut du Col pour traverser le Cirque de Sitre. Sans se le dire, on a été influencé par un mec en baskets… résultat des courses, une heure de tension pour ne pas glisser sur un chemin inexistant qu’on doit se frayer à travers une neige à moitié molle et en dévers. Avec la fatigue, je suis prise de vertige quelques fois. Et quand on doit traverser un petit pierrier et qu’après un petit pas il bouge, je craque. J’ai peur, je suis fatiguée et j’en ai ras la casquette de ce cirque où le moindre faux pas nous ferait glisser des mètres plus bas contre des rochers. Heureusement que mon père me fait les traces, ça m’aide vraiment. 



Quand on arrive enfin au bout, au Col de la Sitre il est 17h. La journée commence à être longue… On grignote un truc, et c’est reparti. De l’autre côté où nous attend la fin de notre étape, la descente est raide et cassante. Je ne suis pas fan des descente, je préfère monter, mais là même mon père ne cesse de dire que c’est une horreur. Il prend de l’avance pour trouver un coin où dormir.


Et quand j’arrive au Habert du Mousset (1670 m), il me dit qu’on va dormir dedans. Il est 18h, j’en peux plus, mais l’aspect miteux du truc me pousse à essayer de trouver un coin pour planter la tente. En vain, c’est pas tip top avec de grandes herbes partout. Alors, adjugé ! On mettra couverture de survie et matelas sur les matelas déjà en place, et ça fera l’affaire.

Je suis incapable d’appeler Damien en arrivant tellement j’ai la gorge nouée par la fatigue. Je sais que je risquerai de me mettre à pleurer et j’ai pas envie. En plus de la fatigue, je suis en piteuse état : mal à la cheville, contracture musculaire à l’épaule qui m’empêche de lever un bras, courbature aux dos et aux jambes, bref. Les vacances !



Après m’être lavée, ça va quand même un poil mieux. Et manger arrange les choses. Je n’ai pas hâte de monter me coucher sur la mezzanine miteuse, mais en fait, dormir au chaud et au sec, ça permet de bien se reposer.




 — Jour 3 : 19 Juin 2019 —




A part des bruits étranges autour de la cabane qui m’ont terrorisée, j’ai bien dormi ! Réveil à 6h. Il y a un gros vent chaud dehors quand on ouvre la porte.

Petit déjeuner en observant un chamois faire sa vie en nous surveillant du coin de l’œil. Il est 7h50 quand on s’élance sur le sentier pour descendre jusqu’à la passerelle du Ravin des Excellences qui coule fort. La passerelle est cassée. Il faut passer en équilibre sur deux morceaux de bois sur le point de se casser ! Hem hem…



Belle mais raide grimpée jusqu’au Refuge Jean Collet (1970m) où j’ai l’intention de payer un café à mon père pour avoir fait la trace la veille. Il fait un temps étrange : au loin, on devine la pluie sur la Chartreuse, et au dessus de notre tête, le ciel est gris. On sait pourtant qu’il doit faire grand beau !

En traversant un court d’eau, alors que je prends appuie sur une pierre, celle-ci roule et dégringole en contre-pas. J’ai eu chaud… ! 




On arrive au refuge rapidement (on est content !), mais celui-ci, bien qu’ouvert, n’est pas gardé. Raté pour le café… Par contre la vue est merveilleuse, et le ciel, totalement dégagé, offre une belle vue sur les sommets maintenant ensoleillé. On discute un petit moment avec un traileur très sympa qui fera l’Echapée Belle fin Août, puis on repart. 




Direction : le Col de la Mine (2404m). La grimpée est un peu plus douce et on profite du matin (eh oui, il n’est même pas 10h, c’est chouette !). Puis la neige arrive, sans surprise. On tarde un peu moins à mettre les crampons pour être tranquille, et on tente de trouver le chemin. Nous sommes SEULS dans cette montagne. C’est génial et super étrange à la fois.

L’ascension du col sera très dure. C’est raide, mais comme on a chaussé les crampons on décide d’aller tout droit. Hop, plus vite en haut, plus vite le repos (oui oui).





Une fois enfin en haut, on grignote un truc en voyant notre objectif suivant : la brèche de la Roche Fendue ( 2480m). On décide de garder les crampons jusqu’à là-haut parce qu’il y a clairement de la neige PARTOUT ! L’avantage, c’est qu’on devait le faire en 1h et qu’on atteint la brèche en 50mn (et avec le poids de nos sacs, c’est une petite victoire !).





On fait fondre de la neige pour notre repas de midi, puis on entame la descente toujours enneigée à 14h. Elle est raide et je suis très peu à l’aise. On s’enfonce souvent à mi-cuisse et ça surprend ! Par contre, une bonne vingtaine de bouquetins avec des cornes comme je n’en ai jamais vues égayent tout ça. 











Quand enfin on déchausse les crampons pour terminer dans un pierrier puis un sentier plus où moins entretenu, il nous reste encore une bonne heure avant d’atteindre le Pas de la Coche où mon frère doit nous rejoindre pour le reste de la randonnée. 




Je suis bien épuisée par la journée de la veille et celle d’aujourd’hui, et même si le paysage est joli, il me tarde d’arriver. Chose que nous faisons à 16h30, pour planter les tentes près du lac de la Coche (1989 m). Mais trouver un endroit plat pour la tente, un endroit où se laver, le faire en équilibre, essayer de ne pas écraser les tritons qui passent partout, laver mes fringues sous un filet d’eau… Bah j’en ai marre. Avec la fatigue, ça devient une source d’énervement et j’ai clairement envie de rentrer chez moi. Surtout qu’une fois « propre », le soleil est toujours là, il n’y a pas d’ombre, et je transpire. Tout ça pour rien… Les petites choses qui prennent des proportions énormes chez moi !

Mais je dors plutôt bien… et ça n’a pas de prix.



— Jour 4 : 20 Juin 2019 —


On se réveille sous un ciel menaçant pour, je ne le sais pas encore, une de mes pires journées en montagne de ma vie.
Il est proche de 6h30 quand on sort de nos tentes. Nous n’avons normalement qu’une journée de 4 heures de marche aujourd’hui, mais vu la météo qui s’annonce mauvaise, on préfère partir tôt. On plie vite nos tentes sous un vent à décorner un bœuf, et on file vers le col en un peu plus haut. Il est 8h15.





Il commence à pleuvoir alors qu’on fait quelques pas, puis c’est le déluge une fois qu’on est au Col de la Coche qui surplombe le lac où nous avons dormi. Zut. On bâche, on met les vestes… on se tâte. La voiture d’Axel est en bas, il suffirait qu’on descende pour aller directement à notre étape du milieu à la Martinette, mais ça nous ferait perdre une étape. On se lance : au pire, si le Col de la Vache semble trop dans les nuages ou qu’il pleut trop, on fera demi-tour.




Il pleut, mais les nuages sont haut dans le ciel alors les paysages restes beaux ! Rien de désespérant pour le moment, même si on ne distingue absolument pas notre but : le Col. On sait à peu près où il se trouve, mais sans certitude. Impossible donc de savoir s’il est dans les nuages ou pas. On avance, on verra bien. Mon père avance bien plus vite maintenant que mon frère est là et je me retrouve l’éternelle dernière. Pas vraiment encourageant. Surtout qu’il se met à pleuvoir énormément… On est trempé, gelé… Et quand la pluie s’arrête, le brouillard monte depuis la vallée et nous enveloppe. Gé-ni-al. Bon.






On chausse les crampons quand la neige arrive sous nos pieds. C’est sûr, on va le faire, ce col ! On le distingue, tout de blanc vêtu, sans surprise. Le temps semble jouer en notre faveur, ça s’arrange et on a même quelques rayons de soleil !









Une fois les crampons aux pieds, c’est parti ! Il doit être aux alentours de 10-11h, je ne sais plus… et la suite sera terrible.

Mon père est devant, suivi de mon frère (qui a oublié ses bâtons, ce nigaud), puis moi. Au début, tout va bien, c’est plat. Et puis, ça se raidi de plus en plus. Mon père doit taper fort avec ses crampons pour faire la trace, et qu’on puisse monter facilement. C’est difficile… Et quand ça devient en dévers, alors que mon père s’arrête pour souffler un peu, j’ai l’impression de voir la neige devant mes yeux s’en aller vers le bas comme une petite avalanche. Rien à voir avec la réalité, c’est mon cerveau qui me joue des tours : apparemment, c’est le vertige ! Quand je me rends compte de ça, je ne peux plus regarder ni en bas, ni en haut vers le col, ni sur le côté (où la neige « bouge »). Je ne peux voir que la trace de pas que vient de quitter mon frère. J’angoisse. Je sais pas pourquoi, j’ai l’impression qu’on marche sur une ancienne coulée de neige, et ça me terrifie. Je suis crevée.



 J’ai aucune idée du temps qui s’écoule, mais c’est toujours le même schéma : 30-40 pas et mon père souffle. Je demande à un moment de ne plus s’arrêter car j’ai peur, mais HAHA ! Il faut bien que mon père se repose un peu ! Alors qu’on fait une courte pause, je vois à nouveau la neige qui bouge sous mes pieds… et je craque. Difficile de tenter rassurer les autres… « je pleure mais ça va, je suis juste fatiguée » ! Hem… mes jambes tremblent, ça ne va pas du tout. Ni une ni deux, mon père me fait quitter mon sac (sombre erreur…). On le laisse à même la pente (à ce moment je doute le retrouver un jour, je suis persuadée qu’il va glisser jusqu’en bas… et j’en ai rien à foutre. Vraiment !). Dès lors, sans mes 16kg sur le dos, ça va « un peu mieux ». Je me force à faire des blagues pour qu’ils pensent que je vais mieux (lolilol).


Le gainage
Et là, mon père entame un tout-droit. Raide. On se retrouve face à des rochers gigantesques auxquels je m’accroche comme un rocher en pleine tempête : DU SOLIDE ! Le but de la manœuvre était : quitter crampons et neige pour passer dans la roche. Mais non… Axel grimpe quelques rochers avant de faire demi-tour. C’est impraticable. Mon père s’en va alors seul faire la trace jusqu’au col (on y est presque !). Moi, pendant ce temps là, je suis sur la neige, les bras tendus contre des rochers, en mode « gainage » sans bouger. Mon frère se demande ce que je fiche, pourquoi je ne descends pas dans l’espace neige-roche, mais il dit rien. Moi je bouge pas parce que si je me retourne je sais que ma tête va encore tourner et que c’est vraiment pas le moment de perdre tous mes moyens ! Donc, je mange un truc sans me lâcher, et on attend. Mon père est en haut, il pose son sac en entame la descente (pour récupérer le mien). 
Col de la Vache, en haut
Et là… depuis l’endroit où je suis, quand je vois à quel point c’est raide et pentu, et dangereux, je lui dis de laisser tomber pour le sac (avec mon duvet, ma bouffe, mes papiers, bref ma vie, hein, oui oui !). Je pense que mon cerveau en fait des tonnes, mais… bref. Quand mon père nous rejoint, je me doute qu’il va falloir que je m’arrache à mon rocher. Bon. Axel passe devant, et moi à sa suite. L’horreur absolu. J’ai le cœur qui va éclater à force d’être malmené par l’effort et l’angoisse. Je ne regarde que le pas devant moi, rien d’autre, surtout rien d’autre ! Axel arrive en haut et je lui demande combien de pas il me reste avant d’en faire autant… la réponse est agréable à entendre, et bientôt…. LE COL DE LA VACHE (2601 m). Pfiou… la vache ! Le paysage derrière est à couper le souffle… Mais je titube jusqu’à des rochers contre lesquels je me couche à moitié pour me reprendre un peu. Mais je sais que mon père est encore en bas et ça m’empêche de me reposer totalement. Du haut, quand j’ai le courage de regarder, je vois qu’il a récupéré mon sac et est presque en haut. Je crois que je ne l’ai jamais vu autant fatigué ! Col de m*erde… Mais on l’a fait. Deux heures, je crois, pour monter. Une pour descendre, tout droit, toujours avec les crampons, vers le Lac du Cos, merveilleux, de bleu et de glace. 


On arrivera sur la terre ferme pour manger au Col des Sept Laux. Je titube plus que je ne marche, mais un bon repas me requinquera bien !



Pour atteindre le refuge de ce soir (qu’on espère ouvert…), il faudra passer encore plusieurs névés qui finiront par m’achever. C’est quand même hyper beau, mais la fatigue m’empêche d’apprécier comme il faut, je crois. 

"L'espace d'une seconde, je me suis vue d'en haut, petite tache sombre sur l'immensité vert et blanc, pas plus ni moins importante que les oiseaux anonymes perchés dans les arbres. Ici, on pouvait aussi bien être le 4 Juillet que le 10 Décembre. Les montagnes ne tenaient pas de calendrier."
Wild - Cheryl Strayed

 



 Quand on arrive à 16h30 au refuge des Sept Laux, la mère du gardien du Refuge nous accueille chaleureusement. Elle nous observait depuis un moment de loin et trouvait que la troisième personne semblait avoir du mal (c’est moi !). Pas de douche, pas d’eau chaude (zut…), mais un petit espace rien qu’à moi pour me laver au robinet. Et puis un Ice-Tea, et une bière en apéro… Et un vrai lit ! Bref… Une belle soirée pour se reposer ! 




Sans parler de ce coucher de soleil qui rend la montagne si belle…



— Jour 5 : 21 Juin 2019 —


Aujourd’hui, c’est repos ! 8km de descente jusqu’au refuge de la Martinette où nous attends notre colis de ravitaillement. 



Quand on ouvre les rideaux ce matin, le ciel est tout gris. Pas de surprise, c’est ce qu’ils avaient annoncé. Mais le temps de prendre notre petit dej, ça se dégage et on a du soleil !
Les montagnes sont belles ce matin, et on en profite car il parait que les orages arrivent. Nous partons de 2176m et notre but est à 1085m… ça va être dur pour moi qui ai mal aux genoux en descente depuis toujours. Et puis, je suis encore épuisée de la veille et j’ai l’impression d’avoir de l’eau dans mon genou gauche. C’est pas la meilleure des sensations ! 




La descente sera malgré tout assez douce, d’abord en montagne puis en forêt (un peu moins intéressant, mais ça change et nous protège un peu du soleil). J’ai du mal à aligner deux pas les trois derniers kilomètres avec l’impression étrange de dormir debout. Mais, à midi, le refuge est en vue. Quand on allume nos téléphones, nos avons pleins de sms nous demandant où on est car il y a des alertes orages dans notre secteur (ah ? Mais y a un grand soleil !). Bref, de toute façon, c’est clair : on dort ici, au refuge de la Martinette à Fond de France! 




Cascade du Pissou


A midi, un bon plat Diot/Crozet…. Et on file prendre une douche chaude (la meilleure de ma vie !). Une fois propre, on passera tous les trois l’après midi à lire sur nos lits à regarder la pluie tomber violemment contre les carreaux de la fenêtre. Et à chaque coup de tonnerre de se regarder en disant : »on a bien fait de rester là ». Perso, je lis Wild de Cherryl Strayed et ça passe tellement bien… Un de mes livres préféré !



Le soir, la gardienne nous fait un couscous qui passe vraiment très bien même si ce n’est pas mon plat préféré, et on file se coucher tôt. 

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